CHAPITRE III : LA DISTIBUTION SPATIALE DE LA POPULATION :
Pour représenter la distribution spatiale de la population, la géographie a toujours utilisé le concept de densité (habitants au km²). Pourtant, en dépit de sa commodité pratique, le concept de densité n’a qu’une portée limitée en géographie car il confère à des ensembles souvent très disparates, une apparente homogénéité qui cache des discontinuités et les contrastes de l’occupation de l’espace. Or, ces distorsions que la densité marque par son silence constituent les traits géographiques majeurs de la distribution de la population mondiale.
I. Les inégalités de la répartition de la population mondiale :
La distribution spatiale de la population est extrêmement inégale. Le fait le plus marquant est l’inégalité des hémisphères.
L’hémisphère Australe reste faiblement occupé puisqu’il ne supporte qu’à peine 10 % de la population mondiale. Dans cette partie de la terre, pour diverses raisons, de vastes espaces restent très peu pénétrées par l’homme : Le Bassin Amazonien, les Angles méridionales, la Cuvette congolaise, le Kalahari (en RSA),… . Ils s’y ajoutent les territoires continentaux qui occupent de faibles espaces face à l’immensité des masses océaniques. Les rares taches de populations s’expliquent par des faits exceptionnels : richesses minières, concentrations urbaines, les deux souvent liées et sont localisées dans les hauts plateaux andins, dans les îles du pacifiques et de l’Indien.
L’hémisphère Boréal (Septentrionale, Nord) est par contre le domaine des fortes agglutinations avec 90% de la population mondiale. Cependant, il se singularise par de fortes distorsions. En effet, 75% de sa population se concentrent sur le continent Eurasiatique qui supporte ainsi 3 des 4 grands foyers de la population à savoir :
➢ Le foyer de l’extrême orient (le monde chinois, le Japon, les deux (02) forêts : 1,7 Milliards d’habitants ; c’est la plus forte emprise humaine sur terre avec des densités rurales pouvant atteindre ou dépasser les 1 000 habitants au km².
➢ Le foyer du sous-continent Indien, riche de 1,8 Milliards d’hommes (densités rurales variant entre 300 et 400 habitants au km²).
➢ Le foyer Européen (hors Russie) : Europe occidentale et Centrale. C’est une bande de peuplement dense, mais bien modeste à côté des grands foyers Asiatique. Elle regroupe 8,2 % de la population mondiale, sur un minuscule territoire de 5 Millions de km² s’agglutinent tout de même près de 600 Millions d’âmes. Cependant, quelques disparités y sont notées car aux fortes charges humaines dans les péninsules (grande presqu’île) méditerranéennes: la péninsule Ibérique, la Grèce s’opposent la dépression démographique de la péninsule scandinave et l’Islande (densité inférieures à 2%).
➢ Le 4ème foyer se trouve coincé entre les grands lacs et l’estuaire du St. Laurent. Les foules qu’ils abritent se concentrent dans des régions de traditions urbaines et (…) : C’est la grande mégalopolis Nord Orientale Américaine qui va de Boston à Washington.
Ces quatre (04) principales aires de fortes concentrations regroupent plus de la moitié de l’humanité. La concentration est encore plus forte si l’on ajoute les foyers secondaires beaucoup plus modestes dans leurs extensions géographiques et dans les effectifs mobilisés que les grands foyers.
✓ L’Afrique au Sud du Sahara est l’une des régions les moins densément occupées du monde. Les vastes solitudes sont les traits marquant de l’occupation humaine. Les rares bassins de forts peuplements se localisent dans les régions littorales dans le golfe de Guinée. Dans ces régions littorales, les densités n’excèdent (dépassent) guère 50 habitants au km². Partout ailleurs, se rencontrent des régions particulièrement déprimées (assez vides) où les densités tombent facilement à quelques unités.
✓ Entre autres foyers secondaires on a : le Sud-Est Brésilien, le Maghreb, la région des grands lacs (Rwanda, …), le Bassin du tigre de l’Euphrate,... .
A tous ces foyers de peuplement s’opposent de véritables déserts humains occupant le ¼ de superficies émergées qui ne regroupent qu’à peine 2% des terriens (hbts de la terre).
Si la description de la répartition de la population constitue une tâche assez simple, son explication l’est moins et il arrive qu’elle soit vraiment ardue (difficile).
L’examen de la distribution spatiale de la population conduit le géographe à convoquer une multitude de facteurs interdépendants témoignant de l’histoire des hommes, de leur choix économique et des obstacles rencontrés dans leur conquête de l’espace.
II. Les facteurs de la répartition de la population :
1. Les facteurs physiques qui jouent un rôle de première importance dans l’occupation de l’espace :
En règle générale, les dépressions démographiques correspondent aux milieux plus ou moins coercitifs à l’exemple des espaces englacés comme l’antarctique et le Groenland. A l’opposé, le peuplement privilégie les zones où les conditions naturelles sont clémentes et le niveau de développement plus élevé. D’une manière générale, ce sont les rigueurs du climat qui expliquent essentiellement les vides démographiques.
Le froid et la Chaleur sont les principaux facteurs inhibiteurs responsables de l’immigration les plus strictes dans ces déserts froids ou chauds où l’expansion de la vie humaine est une possibilité strictement liée aux progrès techniques (cultures sous serre).
Dans certaines régions intertropicales très pluvieuses, les ennemies à la présence de l’homme sont multiples et redoutables. Si les possibilités de l’adaptation à un tel milieu sont complexes, elles sont loin d’être insurmontables. L’Asie tropicale située dans cette zone, apparaît comme une anomalie et porte des foules nombreuses grâce à des techniques appropriées. La topographie introduit une autre géographie des densités.
En règle générale, les plaines, du fait de leur facilité d’accès sont plus attractives que les montagnes où la pente est souvent un obstacle à la mise en valeur des terres. Toutefois, la montagne a, dans beaucoup de cartes guidé l’implantation des hommes notamment quand ils chassés de chez eux à l’exemple des berbères dans l’Atlas marocain. Par ailleurs, dans les régions équatoriales, le relief est pour le climat un excellent correctif dans les régions tempérées lorsque les plaines sont infectées par des maladies comme la malaria, la montagne est alors peuplée, car considérée comme un milieu plus sain. Enfin dans les déserts, ce sont des montagnes qui reçoivent les rares précipitations comme dans le massif du Hoggar. A une autre échelle, les littoraux et les cours d’eaux s’entre aident de bons éléments d’explication de la répartition humaine. Les très fortes agglutinations le long des organismes fluviaux comme le Gange, le Yangzi Jiang, ou le Nil ne s’expliquent que par des innombrables possibilités comme la présence de l’eau.
L’environnement physique affecte ainsi la répartition des populations. Il convient néanmoins de reconnaître que la géographie physique n’a qu’une faible incidence sur la géographie des densités, car au déterminisme du milieu naturel s’oppose le possibilisme de l’être humain.
2. Les facteurs économiques :
Les grandes régions d’activités économiques coïncident très souvent à des bassins densément peuplés. Ces fortes densités concernent avant tout les grandes régions à fort potentiel nutritif qui ont permis depuis longtemps la pratique de l’agriculture comme dans les grandes plaines de l’Asie du Sud et de l’Est. Ici, puisque la seule fertilité des sols et la maîtrise de l’eau se combinent à des méthodes agricoles savantes efficaces qui ont eu un impact considérable sur la densification du peuplement. L’agglutination concerne aussi la région urbaine c’est-à-dire un enchaînement de villes couvrant sans discontinuité de vastes espaces.
Les aires de fortes concentrations sont localisées aussi dans les grandes régions industrielles comme celles engendrées par la révolution industrielle au XVIIIème siècle en Europe. Les facteurs techniques et socio-économiques permettent ainsi de comprendre le peuplement mondial contemporain. Cependant, le chercheur qui ne met en exergue que les seuls facteurs naturels et/ ou socio économique ne trouvera pas de loi fondamentale qui ne soit pas remise en question par des exceptions plus ou moins nombreuses. Pour mieux comprendre les fondements de la distribution spatiale de la population, il est aussi primordial d’interroger le passé.
3. Les facteurs historiques :
La formation des densités peut s’expliquer par diverses raisons historiques.
➢ Tout d’abord, l’influence de l’ancienneté du peuplement. Les surcharges démographiques en milieu rural constatées au moyen orient, en Asie du Sud-Est, en Europe et en Amérique Andine et leurs contrées dans lesquels l’implantation humaine date de plusieurs milliers d’années, s’expliquent en partie par l’ancienneté du peuplement. Le maintien d’un habitat permanent et l’application de méthodes agricoles savantes ont permis à ces peuples anciennement enracinés de se rendre maîtres de leur milieu, créant les conditions optimales pour la mise en place de processus cumulatifs de l’émergence de fortes accumulations humaines.
➢ L’influence des migrations de populations est un autre facteur explicatif des densités. Dès l’origine, l’œil humain s’est agrandi du fait des migrations plus ou moins amples. A partir du XVIème siècle, la colonisation de l’Amérique par les européens entraîna de nombreux foyers de peuplement. En Amérique Latine, l’immigration contribue pour près de ⅔ à la formation de la population, mais entraîna aussi la disparition des populations précolombiennes et le dépeuplement en masse des côtes africaines en raison de la traite. Aujourd’hui, l’intensité des migrations définitives des campagnes vers les villes a complètement transformé la géographie des densités alors qu’elle s’achève dans les pays industrialisés, la mobilité géographique des hommes s’exaspère dans les pays en voie de développement en rapport avec les effets désastreux d’une crise rurale et contribue au dépeuplement des campagnes et par ricochet au peuplement des centres urbains qui, pour certains sont au bord de l’asphyxie.
➢ L’exploitation coloniale s’est accompagnée en Afrique d’une organisation de l’espace ayant pour pôles les villes qui ont été créées de toutes pièces le plus souvent le long du littoral où au débouché voire sur le cours (le long) des grands organismes fluviaux.
➢ Au Sénégal, la mise en valeur coloniale en prenant pied sur le littoral a nettement favorisé la partie « centratlantique ». L’organisation de l’activité économique basée sur la spécialisation dans la culture de l’arachide a favorisé les villes de contact au détriment des régions périphériques éloignées au peuplement lâches en définitive léthargiques.
De ce fait, ces villes ont évolué pour la plupart comme des îlots où se concentrent les activités économiques et les équipements sociaux (écoles, hôpitaux,…) devenant ainsi des pôles de concentration de populations. La mise en valeur coloniale a ainsi entraîné les déséquilibres démo-économiques entre les parties littorales aux fortes accumulations humaines et les enclaves de l’intérieur aux densités ténues (faibles).
CONCLUSION :
La carte de la distribution spatiale de la population mondiale révèle d’importantes variations dans le niveau de concentration démographique. La lecture des différents ensembles continentaux montre sans équivoque des centres et des périphéries démographiques qu’on tente souvent d’expliquer par myopie intellectuelle par des facteurs naturels. La réalité est nettement plus complexe et la diversité des éléments explicatifs se révèlent indispensables. La configuration du peuplement mondial est à la fois le résultat d’un processus social et la conséquence de déterminants naturels.
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